À bras Raccourci

Roman noir. Pour adulte.
À bras Raccourci de Mark Haskell Smith. Gallmeister, 2022. 376 p.
Le bras amputé et couvert de tatouages d’un criminel se retrouve contre toute attente entre les mains (et sous les yeux) d’un employé de morgue de Los Angeles, qui s'ennuie ferme au quotidien. Il ne le sait pas encore à ce moment-là, mais ce membre dissocié – qui le subjugue déjà ! va radicalement changer sa vie...
Amado a perdu son bras après avoir buté Carlos. Littéralement. Sectionné net par les rouages d’une porte automatique. Comme il a pris la fuite sans pouvoir le récupérer, ce bras échoit, via une glacière, entre les mains de Bob, employé de morgue à LA.
Bob est subjugué par la finesse et le réalisme des tatouages qui décorent l’entièreté du membre amputé. Des femmes dans des positions lascives et (plus que) suggestives. Des bikers baraqués. Des bécanes bestiales. « Un vrai Kama-Sutra pour Hell’s Angels ». Et Félicia, surtout. La pièce maîtresse du bras tatoué. Rencontrer une femme de cette trempe, pin-up voluptueuse et irréelle, serait pour lui la meilleure façon de rebondir ; Maura, chinga de su madre, vient de le larguer avant le petit déjeuner.
De leur côté, Esteban, el chefe de la mafia mexicaine de la Californie du Sud (« Certains jours, ça n’était vraiment pas une sinécure, d’être à la tête d’une association de malfaiteurs »), Martin, un gringo et Norberto le latino, doivent retrouver ce foutu bras avant qu’il ne soit classé comme pièce à conviction et ne serve de preuves aux federales.
- « (…) ils vont te chercher, mec. Ils ont tes empreintes
- (…) Non. J’avais mis des gants.
- Ouais, patrón, mais si tu leur as laissé ton bras, ils vont pouvoir prendre tes empreintes directement sur tes doigts ».
« (…) les burnes, ça compte pas pour des prunes »
Au poste de police, effectivement, Don, un flic obsédé par l’arrestation du mafieux au point d’y avoir consacré ces (et ses) deux dernières années, attend qu’on lui amène ce membre...qui n’arrive pas. Il s'est renseigné et sait que Bob est parti pour Parker Center à bord d'une camionnette frappée du logo d'United Pathologie, afin d'effectuer la livraison de son colis congelé. Il devrait être arrivé - et reparti - depuis longtemps. Ce n'est pas le cas. Personne ne sait où est passé Bob et Don ne sait plus où le chercher. Chez Maura ?
Quant à Bob - il l’ignore encore, alors qu’il est benoît d’admiration et quasi la bave aux lèvres devant l’œuvre au potentiel sexuel déconcertant - mais le bras de Amado va changer sa vie du tout au tout (« On ne sait pas à quel point on peut se faire chier dans la vie, jusqu’à ce que l’aventure vous tombe dessus, sous forme d’un bon coup sur le crâne, suivi d’un trajet dans un coffre… »). En une matinée !
« La journée promettait d'être longue »
Smith fait monter la pression jusqu'à ce que tout dégénère, échappe aux uns au profit des autres. Et inversement. Comme il se doit dans le genre. Il fait cela avec style. Ses paragraphes sont courts et rebondissent d'une scène à la suivante, d'un personnage à l'autre. Il n'est pas exclu, parfois, de rifougner un brin, du fait de tournures de phrases imagées et particulièrement maîtrisées, de situations burlesques ou de réactions inattendues de nos héros dans ces circonstances singulières, réactions spontanées imputables à une ingénuité palpable, un excédent déplacé de confiance en soi, ou/et une surconsommation compulsive et effrénée de marijuana.
Pour finir, l’accroche commerciale de la quatrième de couverture évoquant Chandler & Ellroy (en plus « flashy ») comme références est, au mieux, à côté de la plaque.
Fred.