Lords of chaos
Film dramatique. Pour ados / adultes.
Lords of chaos, Jonas Akerlund, 2019, 1h48
Lords of chaos, Jonas Akerlund, 2019, 1h48
Presque 30 ans après les faits, on reste sidéré par la mécanique
criminelle qui s'est emparée de la scène black metal norvégienne. De
l'underground au fanatisme sanglant, portrait d'une folie collective
avec « Lords of Chaos », le film subtil et terrifiant de Jonas Åkerlund.
« Je voulais faire un film qui humanise ces jeunes, car les documentaires et les livres qui parlent d'eux les représentent tous en monstres, en démons. La vérité, c'est qu'ils étaient de très jeunes gens, animés par des passions très fortes. » Fort, le mot est faible. Metal extrême, satanisme, suicide, églises en feu, meurtres : la dérive criminelle de la scène black norvégienne dans les années 1990 est un authentique cas d'école. Dans son film « Lords of Chaos », Jonas Åkerlund, vidéaste et ancien batteur du cultissime groupe Bathory, retrace avec talent cette sidérante histoire d'amitié qui tourne mal.
Rappel des faits. Au début des années 90, le mouvement metal atteint une apogée de violence à force de surenchère contre-culturelle. Deux sous-genres extrêmes, le death et le black metal obtiennent un écho tout particulier dans la très bourgeoise Scandinavie. En Norvège, cette scène underground gravite autour du groupe Mayhem fondé par Øystein Aarseth alias Euronymous. Le projet véhicule une imagerie nihiliste et sataniste en rupture délibérée avec toutes les valeurs de la société environnante. Quant à la musique, elle est terrifiante, exigeante, ultra-excluante ; c'est la naissance du black metal norvégien.
C'est peu dire que les protagonistes de « Lords of Chaos » ont des profils psychologiques limites. Euronymous et sa mythomanie assumée semble encore le moins frappé de la bande. Le bien nommé chanteur Dead souffre pour sa part du syndrome de Cotard, soit l'absolue certitude d'être déjà mort, ce qu'il finira par obtenir après son suicide. A noter qu'Øystein Aarseth découvre le corps et juge urgent de le prendre en photo pour illustrer un futur album live ! Quant au bassiste Varg Vikernes, son inadaptation le poussera au fanatisme, à la pyromanie et finalement au meurtre de son ami Euronymous. Une belle bande de potes, donc.
Or, le fantasme va très loin chez Mayhem. Lords of Chaos est subtil mais n'en reste pas moins extrêmement éprouvant. Les faits impardonnables commis au sein de l'«inner circle» sont filmés de la manière la plus anti-glamour possible, justifiant largement une interdiction au moins de 16 ans.
L'ensemble est lugubre -parfois drôle, étrangement- et servi par un excellent trio d'acteurs.
Quant à la musique, elle s'efface progressivement au fil de la narration, tant il apparaît que la dinguerie de ces gars-là a peu de chose à voir avec le rock. Près de 30 ans après les faits, le féroce black metal existe toujours, y compris à Oslo. Mais personne ne tue personne, les églises ne sont jamais incendiées et les métalleux sont considérés aujourd'hui comme une tribu agitée et bruyante de quasi bisounours. Le jeu de massacre autour de Mayhem est d'une autre trempe. A rapprocher peut-être d'autres formes de radicalisation.
Eric
Rappel des faits. Au début des années 90, le mouvement metal atteint une apogée de violence à force de surenchère contre-culturelle. Deux sous-genres extrêmes, le death et le black metal obtiennent un écho tout particulier dans la très bourgeoise Scandinavie. En Norvège, cette scène underground gravite autour du groupe Mayhem fondé par Øystein Aarseth alias Euronymous. Le projet véhicule une imagerie nihiliste et sataniste en rupture délibérée avec toutes les valeurs de la société environnante. Quant à la musique, elle est terrifiante, exigeante, ultra-excluante ; c'est la naissance du black metal norvégien.
C'est peu dire que les protagonistes de « Lords of Chaos » ont des profils psychologiques limites. Euronymous et sa mythomanie assumée semble encore le moins frappé de la bande. Le bien nommé chanteur Dead souffre pour sa part du syndrome de Cotard, soit l'absolue certitude d'être déjà mort, ce qu'il finira par obtenir après son suicide. A noter qu'Øystein Aarseth découvre le corps et juge urgent de le prendre en photo pour illustrer un futur album live ! Quant au bassiste Varg Vikernes, son inadaptation le poussera au fanatisme, à la pyromanie et finalement au meurtre de son ami Euronymous. Une belle bande de potes, donc.
"Inspiré de faits et de mensonges"
Comment traiter un sujet pareil ? Intelligemment, Jonas Åkerlund évite les écueils du biopic. Ni iconoclaste, ni hagiographique, Lords of Chaos questionne ce groupuscule de jeunes gens en pleine dérive sectaire. Pour ce faire, Åkerlund utilise les codes du thriller et du teen movie ou plutôt du film sur les adolescents, à la manière du Elephant de Gus Van Sant ou de Virgin Suicides par Sofia Coppola. Contrairement à la règle tacite du biopic, le réalisateur revendique d'emblée le caractère fictif de son sujet : "Inspiré de faits et de mensonges", comme l'annonce un cartouche en début de film. Dès lors, on perçoit plus intimement la psychologie de cette micro-société, de moins en moins capable de distinguer la réalité du fantasme artistique.Or, le fantasme va très loin chez Mayhem. Lords of Chaos est subtil mais n'en reste pas moins extrêmement éprouvant. Les faits impardonnables commis au sein de l'«inner circle» sont filmés de la manière la plus anti-glamour possible, justifiant largement une interdiction au moins de 16 ans.
L'ensemble est lugubre -parfois drôle, étrangement- et servi par un excellent trio d'acteurs.
Quant à la musique, elle s'efface progressivement au fil de la narration, tant il apparaît que la dinguerie de ces gars-là a peu de chose à voir avec le rock. Près de 30 ans après les faits, le féroce black metal existe toujours, y compris à Oslo. Mais personne ne tue personne, les églises ne sont jamais incendiées et les métalleux sont considérés aujourd'hui comme une tribu agitée et bruyante de quasi bisounours. Le jeu de massacre autour de Mayhem est d'une autre trempe. A rapprocher peut-être d'autres formes de radicalisation.
Eric