Crépuscule Sanglant
Crépuscule Sanglant, James Carlos Bake, Gallmeister, 2019, 539 pages.
1845 - Dans une longue traînée de sang, de Géorgie en Floride jusqu'au Texas, puis au Mexique via l'Alabama et la Nouvelle-Orléans, deux frères partent à la recherche de leur soeur, disparue suite à une histoire familiale faite de fureur et de souffrances.
Edward
Little abat son père pour l'empêcher de tuer son frère aîné.
Quelques années plus tôt, en 1842, Daddyjack a contraint sa
famille à quitter la Géorgie, après qu'il
ait poignardé un homme à mort au cours d'une rixe. Une fois
qu'ils l'ont enterré, les deux frères constatent que Lilith, leur mère, s'est enfuie avec
leurs deux seules mules. Avant le drame, cette dernière a affirmé
que Daddyjack avait tué Maggie, la cadette de la famille, puis
s'était débarrassé du corps. Edward et John décident de
faire route pour le Texas, espérant que leur mère a menti, que leur
soeur s'est sauvée et qu'ils la retrouveront en chemin...
Où
les flingues ont plus de conversation que les hommes
Crépuscule sanglant est un
western (ultra) violent, un livre dur, une histoire sauvage &
brutale à l'image des protagonistes ; « tous avaient des
yeux qui n'avaient jamais regardé une chose vivante avec un
sentiment de pitié ». Les chapitres sont courts et la rage
bouillonne comme de la lave en fusion. On parle ici de parricide. De
viols. Plus précisément d'incestes. Cette abomination est même
présentée comme quasi naturelle dans le contexte de l'histoire
qui nous est contée. Comme si une quelconque excuse pouvait
justifier un tel acte. Les filles sont mineures, pas même
adolescentes. C'est souvent d'abord de mineurs dont il
s'agit, parfois aussi lorsque l'on
aborde le thème sordide de la prostitution. Cet adjectif pourrait
bien être parmi les mots-clés du récit. En effet, dans le Sud, on
assiste, pétrifiés, au lynchage d'un Noir par une communauté
(hommes, femmes & enfants) en liesse. Les exactions commises avant de voir passer cette pauvre âme de vie à trépas sont abjectes.
Puis les atrocités flirtent avec le banal comme se profile la
guerre américano-mexicaine (1846 - 1848), que nous sont décrits
les massacres et autres tortures perpétrés par les Apaches, ou
quand les chasseurs de scalps d'Indiens en rajoutent à ces
horreurs, pour autant que cela soit encore possible.
D'éphémères
moments d'accalmie au milieu du carnage.
Qu'est-ce
finalement d'autre qu'un western sinon un roman historique ?
Loin des clichés de la caricature et des standards
hollywoodiens, c'est dans cette catégorie que se classe ce genre
littéraire. En dehors des scènes barbares, on retrouve ici la
description d'un quotidien âpre, souvent cruel, composé de
solitude et d'une certaine forme d'abnégation qui amène les
hommes à accepter les situations dans lesquelles ils sont. « Lo que
no tiene remedio se tiene que aguantar » (il faut supporter
l'irrémédiable), comme le dit un proverbe mexicain cité en
ouverture du roman. Lorsque la vie n'est pas impitoyable, au moins
est-elle rude. De même que la nature, implacable, que l'on
domestique ou qui vous tue. Dans cet univers hostile se glissent, de
loin en loin, de fugaces instants de calme ; ce n'est l'affaire
que de quelques pages. Partout ailleurs, « la puanteur de la mort
était omniprésente ».
Fred