Buñuel après l'Âge d'Or
Buñuel après l'Âge d'Or de Salvador Simó, 1h20, 2018.
1932. Le cinéaste surréaliste Luis Buñuel (1900-1983) entreprend le tournage d'un documentaire sur une communauté démunie vivant dans les Hurdes, la région la plus pauvre d'Espagne. Salvador Simo retrace son parcours, chaotique dès le début, car l'artiste est dans la tourmente à cause de son oeuvre anticléricale et antibourgeoise L'Âge d'Or (1930) qui a fait scandale.
Le film est passionnant en ce qu'il traite et croise des problématiques cinématographiques, artistiques et politiques.
Des problématiques cinématographiques
Les difficultés matérielles sont tout d'abord évoquées. Comment financer un film alors que toutes les portes vous sont fermées ?
Comment organiser le tournage et acheminer le matériel en prenant en compte les paramètres financiers et géographiques? La région étant reculée, montagneuse et escarpée.
Le réalisateur s'intéresse aussi à des points techniques tel que le cadrage et le travail sur la lumière. L'envers du décor nous est ainsi dévoilé, mais permet par ailleurs à S. Simó d'aborder des questions de moralité. En effet, le documentaire de Buñuel qui sortira sous le titre « Terre sans pain » se veut réaliste.
C'est un témoignage cru et glaçant sur l'extrême pauvreté d'un peuple abandonné à son sort.
Il enregistre son quotidien et ses coutumes. L'incrustation d'extraits éprouvants de Terre sans pain dans le dessin animé renforce son caractère dramatique.
Nous découvrons cependant par le récit de l'animation que Buñuel n'a pas hésité à mettre en scène des événements tragiques jusqu'à provoquer des accidents pour servir son art. Son ambivalence oscillant entre son dessein artistique et philanthropique nous confronte, tout comme son équipe de tournage l'a été, à des questionnements moraux. Cependant, nous le voyons de plus en plus touché par cette misère sociale.
Politique et surréalisme
Terre sans pain avait une portée politique. Le documentaire dénonçait l'indifférence du gouvernement espagnol capable de laisser son peuple dans le dénuement le plus effroyable. À sa sortie, le film a été censuré. Ce n'est qu'en 1976 qu'il a été de nouveau accessible au public espagnol.
Le film de S.Simó est aussi l'occasion de nous replonger dans l'histoire du surréalisme. Les relations entre Dali et Buñuel sont évoquées ainsi que l'onde de choc créée par ce mouvement contestataire au début du XXe siècle.
Nous découvrons l'amitié de longue date de Buñuel avec le poète et sculpteur anarchiste Ramon Acin, qui produisit son film et l'accompagna dans son projet. De nombreuses scènes restituent leurs discussions autour de l'art. Buñuel, après l'Âge d'or nous emmène à la rencontre d'un cinéaste aux multiples facettes dont l'oeuvre, si elle est dérangeante et peut donner lieu à un rejet, ne peut laisser indifférente.
Le réalisateur
Salvador Simó (1975-) a tout d'abord travaillé pour les studios Disney. Il s'est perfectionné dans l'art des effets spéciaux. (Le Monde de Narnia, Le Livre de la jungle, Skyfall ou encore le dernier volet des Pirates des Caraïbes). Buñuel après l'Âge d'Or est son premier long métrage d'animation adapté d'un roman graphique. Il a reçu le Prix spécial du jury au festival d'animation de Los Angeles et a été primé à celui d'Annecy.
Stéphanie