Le Capitaine Alatriste

Roman pour adulte
Le Capitaine Alatriste de Arturo Pérez-Reverte. Point, 2007. 263 p.
Les aventures du capitaine Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte dépoussièrent le vieux genre littéraire du roman de capes et d'épées. Entre deux duels hauts en couleur, la série offre surtout un formidable voyage dans l'Espagne corrompue de Philippe IV et de Vélasquez.
Dans l'Espagne des années 1620, il n'est pas bon de se retrouver sans protecteur. Heureusement pour le narrateur Iñigo Balboa, son maître, mentor et tuteur se nomme Diego Alatriste y Tenorio. L'ombrageux capitaine était le frère d'armes du père d'Iñigo, tombé face aux indépendantistes hollandais durant la guerre des Flandres. Désormais sous sa protection par parole donnée, le jeune homme sera le chroniqueur d'un seul homme.
Diego Alatriste vit chichement à Madrid où il loue de temps à autre sa lame pour un duel qu'un inconscient a eu le malheur d'accepter. Redoutable bretteur, sa réputation n'est plus à faire et la vie s'écoule ainsi de tavernes en ruelles jusqu'au jour où il accepte d'intercepter deux voyageurs anglais contre une forte récompense. Pour accomplir cette mission de routine, il est accompagné d'un spadassin italien du nom de Gualterio Malatesta. Mais le traquenard cafouille et répondant à son sens de l'honneur, Alatriste décide d'épargner les Anglais. Par cet acte, le capitaine évite à l'Espagne une guerre contre la couronne britannique. C'est aussi le début des ennuis pour Alatriste, désormais impliqué dans une vaste conspiration d'État. Dans l'immédiat, le dangereux Malatesta a juré sa mort...
La manière avant tout
Il existe un rapport de filiation évident entre Arturo Pérez-Reverte et Alexandre Dumas. A l'instar des Trois mousquetaires, les aventures du Capitaine Alatriste (sept tomes à ce jour) forment un récit de cape et d'épée dans la plus pure tradition. Ici, le panache, le dévouement et l'honneur sont tout, tant il vrai pour ces hidalgos que la manière importe plus que le but à atteindre.
Pour autant, Alatriste n'est pas D'Artagnan. Si la fierté et la droiture d'un Castillan n'a sans doute rien à envier à celle d'un Gascon, Alatriste est plus ténébreux. Il est déjà un homme mûr, soldat aguerri engagé à l'âge de treize ans, vétéran de multiples campagnes et buveur invétéré. Mais c'est aussi un esprit éclairé, d'une culture encyclopédique et qui ne goûte guère le fanatisme de la Sainte Inquisition.
Des capes dépoussiérées
Celle-ci est omniprésente dans ce premier tome où Pérez-Reverte pose le décor de son récit. Un décor en forme de voyage dans cette Espagne de Philippe IV, d'Olivares et de Vélasquez, toujours dominante mais déjà engagée dans son interminable décadence. Dans cette Espagne magnifique et misérable abondent les poètes, nobles, courtisans, moines, spadassins, dames de palais, escrocs, putains et conspirateurs. On se glisse dans les ruelles borgnes, on boit dans des tavernes louches en compagnie de soudards ivres, on s'amourache... Ici, des duels se déclenchent pour une mauvaise rime ou le sourire d'une femme vénale et sainte tout à la fois.
Ce premier tome des aventures d'Alatriste est un régal. Servi par le style forcément haut en couleur d'Arturo Pérez-Reverte, les aventures du capitaine Alatriste dépoussièrent le vieux genre littéraire du roman de cape et d'épée. Solidement ancrée dans sa réalité historique, on est loin ici des fantasmes narratifs d'un Paul Féval ou d'un Théophile Gaultier. Alors bien sûr, on s'entretue allègrement dans la comedia de capa y espada. Mais en restant concentré, car les combats sont rapides, sales et souvent définitifs. Quand la mort rode, on préserve son souffle et on évite les bons mots.
Eric