The Black holes
The Black Holes est une fable poétique, alambiquée & romantique. Un conte punk, saupoudré de poudre de perlinpinpin, qui exacerbe l'émotivité. J'ai pas tout bien pigé à l'histoire, mais quelle importance ? C'est tellement joli...
The Black Holes, Borja González, Dargaud, 2019, 122 p.
1856. De nuit, à l'orée d'une forêt, une jeune fille distingue des sanglots, étouffés par les frondaisons. Elle s'y enfonce & tombe nez à nez avec un squelette, debout au bord d'un lac. Elle croit que le squelette pleure parce qu'il est mort. Le squelette l'ignore plus ou moins, s'il est mort ou non ; & surtout, il s'en fiche. Le squelette pleure, car d'où il se trouve, il ne peut pas voir correctement les étoiles. Quelques pages plus loin, un papillon, rouge, virevoltant, nous entraîne hors des bois sombres jusqu'à une petite ville. La fenêtre d'une maison est ouverte. Les rideaux ondulent en partie à l'extérieur, portés par la brise. Le papillon entre par cette fenêtre dans la chambre d'une adolescente. Cette jeune fille & ses deux amies sont en train de former un groupe punk ; elles ne savent jouer d'aucun instrument, leurs textes sont approximatifs (punk), mais elles ont déjà un nom : The Black Holes, en hommage à Stephen Hawking. Nous sommes maintenant en 2016 & basculerons désormais d'une époque à l'autre, selon les nécessités du scénario.
A partir de là, j'ai envie
de dire, il n'y a plus qu'à se laisser (em)porter. Dans une
chronique, j'essaie d'en dire le plus possible en ne révélant que
l'idée générale du récit. La démarche, c'est de donner envie de
lire, ou de voir, pas de faire un résumé. Là, ça m'arrange
carrément, parce que je serais bien en mal de dévoiler précisément
l'exactitude des choses. Mais on s'en fiche complètement ! The Black
Holes, c'est comme de la poussière d'opium, de la fleur de pavot :
ça guérit pas, mais ça allège. & si ce n'est pas un papillon
qui nous conduit, ce sera un fantôme, ou un théâtre de
marionnettes ; ou de vieux textes cachés dans une boite à bonbons.
Élégance & sensibilité
savamment distillées.
Les personnages n'ont pas de nez,
ni de bouche, ni d'yeux. Même sur les rares gros-plans, seul l'ovale
du visage est dessiné. Il n'y a pas d'autres traits. L'émotion est
pourtant palpable tout de suite. Ce que ne peuvent traduire les
expressions, l'attitude corporelle l'apporte & le compense
naturellement par la posture. L'émotion, encore une fois, se lit
dans le maintien, la tenue que les personnages, souples, gracieux, &
tous exclusivement féminins, même le squelette, adoptent. J'ai
instantanément été saisi, séduit, conquis par la délicatesse &
la sobriété du traité, par la beauté - en somme - de l'ensemble
visuel.
Les dialogues sont amusants,
tristes, quelquefois cruels...& minimalistes. Des pages se
succèdent en bon nombre sans répartie aucune, ou très peu. L'image
sert alors de guide - si, souviens-toi, ce papillon, rouge, sur des
fonds noirs, ou sur des camaïeux de gris...suis-le ! Parfois, juste
pour de rire, y'a même des bulles vides, ou avec rien qu'une note de
musique - pas souvent, c'est anecdotique, ça sert surtout à appuyer
mon propos ; & même si elles ne sont pas pléthore, une bulle
vide, c'est très romantique, on y met ce qu'on veut dedans ! Il y a
souvent un décalage entre ce qui est dit de façon humoristique &
la situation ; il y a aussi des silences où les regards - qui n'en sont pas pas - en disent plus long que n'importe quelle tirade. C'est
beau, c'est fin...& c'est fini.
Fred