La transformation du monde. Une histoire globale du XIXe siècle
La transformation du monde. Une histoire globale du XIXe siècle de Jürgen Osterhammel, Nouveau Monde éditions, 2017, 1483 p.
Le XIXe siècle ne commence pas en 1801 et ne s'achève pas en 1900. Ni même en 1789, 1914 ou tout autre date habituellement avancée pour encadrer « le siècle des révolutions ». Pour l'historien allemand Jürgen Osterhammel, les diverses grilles de périodisation, avec lesquelles les chercheurs sont toujours contraints de travailler, deviennent inopérantes dès lors qu'on s'attaque à une histoire globale. Et pourtant, il existe bien un XIXe siècle, et il a transformé le monde.
A l'instar des autres mouvements intellectuels, la pensée historique évolue dans le temps. Ses thèmes et ses points de vue fluctuent en fonction du contexte dans lequel elle est formulée. Cette « histoire de l'Histoire » a même un champ disciplinaire, l'historiographie. Mondialisation oblige, l'époque est aux tableaux globalisants et à la relativisation du rôle historique de la civilisation occidentale. C'est sur ce terreau que Jürgen Osterhammel a bâti sa « préhistoire de notre futur » tel qu'il définit lui-même l'objet de son étude.
La Transformation du monde ; une histoire globale du XIXe
siècle offre donc un panorama
historique particulièrement ambitieux du monde tel qu'il a évolué
sur ces quelques décennies. À partir d'une masse de sources et
d'une grande variété d'angles de vue se dessine le portrait à
facettes d'une époque cruciale pour l'Humanité.
La puissance de la photo
ottomane
De manière assez classique, l'auteur souligne deux traits
marquants de l'époque : l'émergence de la modernité
consciente d'elle-même et la brusque projection des puissances
européennes par le biais de la colonisation. Pour autant, la
transformation du monde n'est pas l'histoire de la domination
occidentale et de son industrie. Selon des modalités variables,
l'ensemble du monde reçoit et digère cette nouvelle modernité dans
tous ses aspects techniques, économiques, sociaux, politiques et
culturels.
Dès lors, les cas particuliers
abondent. Si l'industrialisation pionnière de l'Angleterre et de la
France a été somme toute assez lente, celle du Japon de l'ère
Meiji (1868-1912) fut quant à elle foudroyante. Une manière pour
l'empire réformé d'échapper au destin de son puissant voisin ;
car le XIXe siècle, c'est aussi l'effondrement inédit de la sphère
culturelle chinoise. Plus anecdotiquement, la modernité émerge ici
ou là par bulle. Ainsi, Istanbul fut avec Paris l'un des grands
centres mondiaux de la photographie...
Voyage au long court
Au XIXe siècle, le progrès est
souvent manifeste : on craint moins les famines, la médecine
avance. Mais ce progrès est asymétrique. Localement, les inégalités
sociales sont terrifiantes. Au niveau mondial, le rapport de force
l'est encore plus. A partir de la seconde moitié du siècle,
l'efficience des armes à feu est devenue telle que rien ne peut
arrêter les armées européennes. Et l'on voit poindre comme une
quasi fatalité le désastre de 1914.,,
Impossible pour autant de réduire
un tel livre aux évidences historiques a posteriori. Le sujet est
trop riche, trop dense et trop complexe. Grâce à une langue claire,
ces quelque 1500 pages issues de la main d'un seul auteur ne sont pas
de trop pour rendre justice à l'énormité du sujet. Lire La
Transformation du monde est un
voyage au long court et une expérience de lecture rare. Car cet
ouvrage est assurément de ces quelques maîtres-livres d'histoire
dont on soulignera encore l'importance dans trente ans.
Eric