Chiens de la Nuit
La parution chez Calmann-Levy de « Un Soleil sans Espoir » a permis la ré-édition de « Chiens de la Nuit » (prix du Meilleur roman policier 1998). Ces deux récits de Kent Anderson font suite au mythique « Sympathy for the Devil », l'un des romans les plus marquants traitant de la guerre du Vietnam...
Kent
Anderson est sergent dans les forces spéciales,
en 1969, au Vietnam. Il a 23 ans. Il en revient hanté. Ce
traumatisme lui sert à la rédaction de « Sympathy
for the Devil », dans La Noire, chez
Gallimard, en 1993 (1987 aux USA). Ce roman est une référence
incontournable si l'on évoque le sujet, au même titre que « Un
pour Marquer la Cadence », de James Crumley
(écrit en 1967, publié en 1969 aux USA & en 1992 chez La
Noire).
Avant sa saison en enfer, Anderson, alors âgé de dix-neuf
ans, a travaillé deux ans dans la marine marchande. Après la guerre - ou du moins, après avoir fait son temps là-bas - il a
été policier, au milieu des
années 70, dans l'Oregon, puis en Californie (avant d'être
professeur d'anglais). C'est de ce quotidien violent & sordide
dans les bas-fonds glauques de Portland, puis de Oakland qu'Anderson
tire « Chiens de la Nuit » &
« Un Soleil sans Espoir ».
Hanson est le nom de son personnage central, mais flic ou soldat,
l'expérience, même romancée, est la sienne.
En 2013, La
13ème Note (maison d'édition d'abord en stand-by en mai 2014, &
qui depuis, hélas, a coulé) publie « Pas de
Saisons pour l'Enfer ». L'ouvrage est
composé de différents textes, nouvelles & chroniques écrites
par l'auteur entre 1980 & 2002, ainsi que de chutes inexploitées
de « Sympathy for the Devil ».
De
l'enfer vert à la jungle urbaine
1975. Vétéran du Vietnam, Hanson est désormais
policier à Portland, Oregon. Le danger, le risque, la violence, sont
permanents & indissociables de son quotidien dans les quartiers
où il patrouille. Quelle que soit la situation périlleuse dans
laquelle il se trouve, Hanson ne ressent pas la peur. Ses souvenirs
de guerre, le trauma qu'il porte en lui, en revanche, sont bien
présents, lui revenant par flashs, par sensations. S'il n'était devenu flic, les lésions
émotionnelles gravées dans son esprit lui aurait probablement valu la prison ou la folie.
C'est ce qui est
arrivé à d'autres, qui errent, ingérables, dans les rues de la
ville, jusqu'à ce que leur folie ne les mène au suicide ou quelque
chose d'avoisinant. Hanson envisage d'ailleurs cette possibilité
comme une option, tant ses commotions vont le hanter jusque dans son
sommeil. « La mort serait certainement une chose intéressante,
se dit-il. Voilà longtemps qu'il était prêt ». Les dommages
sont récurrents, obsessionnels, & des pensées étranges,
toujours liées à la mort, parfois à l'homicide, lui reviennent en
boucle.
Polar sans enquête
Au demeurant, bien qu'édité chez Folio Policier, « Chiens
de la Nuit » n'est pas un roman policier au sens strict ;
il n'y a pas d'enquête, il n'y a pas d'intrigue spécifique, mais
une succession de circonstances, de contextes, de faits divers, tous
plus sordides les uns que les autres, qui ont pour toile de fond la
misère, la pauvreté, l'alcoolisme, la prostitution...
C'est la vie de Hanson/Anderson, celle de tous les
jours, de flic & de civil, qui est racontée ici, ainsi que celle
de ceux qui, comme lui, sont revenus de l'enfer psychologiquement
mutilés & profondément marqués. La fascination qu'exercent les armes à feu sur l'auteur
- & par extension sur l'Amérique - revient aussi fréquemment au cours
du récit.
Fred