Exoplanètes
Exoplanètes, David Fossé et Manchu, Belin, 2018, 159 p.
En 1862, l'astronome Camille Flammarion était congédié de l'Observatoire de Paris pour avoir publié La Pluralités des mondes habités, un ouvrage dans lequel il se déclarait convaincu de l'existence de la vie ailleurs dans l'univers. 150 ans plus tard, les techniques d'observation les plus pointues sont en passe de donner raison à l'infortuné successeur de Galilée.
Le basculement a lieu le 6 octobre 1995. Ce jour-là, Michel Mayor et Didier Queloz de l'observatoire de Genève annoncent officiellement la découverte de la première exoplanète : 51 Pegasis b. Deux fois plus grosse que Jupiter et orbitant autour de son étoile en à peine 4 heures, la première exoplanète est une anomalie qui ne rentre dans aucun modèle communément admis.
Aujourd'hui, les scientifiques ont découvert près de 4000
planètes extrasolaires parmi les centaines de milliards qu'on devine
dans notre seule galaxie. L'échantillon est dérisoire mais laisse
apparaître une diversité surprenante. Planètes-océan, systèmes
planétaires compacts qui tiendraient dans l'orbite de Mercure,
géantes gazeuses qui s'évaporent, planètes à trois soleils,
planètes métalliques ou de diamant.... Non
seulement la pluralité des mondes est une réalité, mais elle est
de surcroît totalement extravagante !
Une lune grosse comme Uranus
Pour
les excellentes éditions Belin, c'est un sujet en or. Car si le
bestiaire des exomondes est follement varié, sa description repose
sur des techniques et des données particulièrement arides.
Exoplanètes
relève le gant de la vulgarisation grâce à la collaboration
étroite entre David Fossé, docteur en astrophysique et rédacteur
en chef adjoint du magazine Ciel & Espace, et Manchu, célèbre
illustrateur de science-fiction.
Le
résultat est extraordinaire. Cocktail de rigueur scientifique et
d'imagination graphique, cet ouvrage ne requiert guère de bagages
cosmologiques pour comprendre les concepts de zone habitable, de
résonance orbitale ou de détection par les vitesses radiales. On y
croise des mondes étranges aux climats les plus improbables. Des
mondes de toutes tailles : super-Terres, mini-Neptunes ou quasi
étoiles en attendant qu'une nouvelle découverte ruine les précaires
catégories des exoplanétologues. Quant à la première exolune
repérée le mois dernier, elle aurait la taille d'Uranus...
L'éternelle errance des orphelines
Jusqu'à
la preuve du contraire, toutes les planètes naissent dans le halo de
leur jeune étoile. Les conditions initiales d'un système solaire
préfigurent le nombre, la taille et les caractéristiques
physico-chimiques des planètes. Mais tout n'est que mouvement dans
l'univers et selon certains chercheurs, un tiers des planètes de
notre galaxie seraient orphelines, éjectées de leur système
solaire et dérivant dans le vide interstellaire à la suite d'un
quelconque cataclysme.
La plupart restent pourtant chevillées à leur étoile jusqu'à la fin. C'est le cas de Poltergeist, malheureuse planète orbitant autour de Liche, un pulsar à la densité titanesque. Quel temps fait-il aujourd'hui sur Poltergeist ? Comme hier, il fait fluorescent car ce monde de train fantôme est perpétuellement balayé par les décharges électromagnétiques de son étoile morte.
Il
va de soi qu'un tel pandémonium est peu propice à la vie. Ce qui
n'est pas le cas de certains corps célestes répondant aux critères
d'habitabilité. Leur détection est délicate car la plupart des
planètes rocheuses passent actuellement sous le radar. On en saura
probablement davantage après le lancement prévu dans les prochaines
années d'appareils plus performants. Alors lecteur, faisons un
pari : la vie extraterrestre sera découverte de notre vivant ! D'ici là, l'Exoplanètes de Fossé et Manchu constitue une passionnante mise en bouche.
Eric