The dark side of the caillou
de Marc Roche, Tallandier, 2017, 121 p.
Le diamant, produit clinquant par excellence, est un marché depuis longtemps verrouillé et mondialisé. Pourtant, son business connait actuellement de vastes bouleversements. Pas toujours en bien, rapporte l'enquête de Marc Roche.
Le diamant est parmi les matières premières les plus fantasmées. Symbole de pureté et d'éternité, ce bête cristal de carbone a toujours accompagné les rois, les puissants et les pin-ups hollywoodiennes. Pour autant, le livre de Marc Roche nous invite à visiter la part d'ombre du caillou. « Diamants : enquête sur un marché impur » est une authentique promenade dans les arrières-cuisines peu ragoûtantes d'un marché depuis longtemps international.
Depuis longtemps car du diamant, il n'y en a pas partout. Seuls quelques pays en produisent, et encore moins les trient, les taillent et les vendent. Or, ce ne sont pas les mêmes. Dans le sillage du colonialisme européen, le marché du diamant a très tôt pris un caractère monopolistique, dominé par les places d'Anvers et Londres, et surtout par la toute puissante compagnie De Beers. D'une certaine manière, le fossé Nord-Sud a été creusé avec des pelles en diamant.
Nouvelle taille
Pourtant, les choses sont en train de changer. Dans l'empire De Beers, le dernier rejeton de la famille historique Oppenheimer, liée aux premiers fondateurs de la multinationale, a été obligé de vendre ses parts. Le triage et le négoce ont dû partir de Londres pour être transférés au Botswana, son poids ne cessant de reculer. Anvers, centre mondial du négoce ? Il le reste encore, mais est en perte de vitesse et les traders indiens ont pris le contrôle du lieu.
En amont, l'Afrique du Sud a perdu sa
première place, remplacée par la Russie, désormais première
productrice mondial. Quant aux Israéliens, il sont entrés par une
porte dérobée en se spécialisant sur les diamants de placement.
Pour Marc Roche, spécialiste de la finance mondiale, la chose est
entendue : la mondialisation en cours modifie l'aspect du
diamant.
La curieuse absence du synthétique
Ce qui ne change guère en revanche,
c'est la criminalité liée à cette filière. Certes de manière
moins scandaleuse qu'il y a une quinzaine d'années, les
diamants permettent toujours de financer les guerres et d'assurer la
pérennité des paradis fiscaux et du blanchiment d'argent sale.
Curieusement, le diamant synthétique est aujourd'hui bien moins cher à
produire et quasi impossible à différencier de son homologue
naturel. Pourquoi n'a t'il pas inondé le marché ? D'aucun pourrait y voir un intérêt malhonnête à
conserver coûte que coûte sa rareté à la reine des gemmes...
« Diamants : enquête sur un
marché impur » est donc un excellent ouvrage, concis, limpide et
particulièrement bien documenté. Il reprend d'une certaine manière
la tradition de l'enquête au long court à la manière d'un Albert
Londres. C'est semble t-il le pari des éditions Tallandier en créant
la collection Au Fait. On peut désormais suivre les turpitudes de
marchés aussi divers que ceux du sucre, des armes ou des
produits financiers. Avec en toile de fond cette saine philosophie : la condamnation, c'est avant tout des preuves.
Eric Tempête