Chien 51
Roman de science-fiction. Pour adulte.
Chien 51 de Laurent Gaudé. Actes Sud, 2022. 288 p.
S’il se déroulait dans un temps contemporain - passé ou présent - Chien 51 serait un policier. Si tel était le cas, il serait pour le moins triste et désabusé. Comme dégradé en camaïeu de (roman) noir. Un récit de science-fiction aux sombres couleurs du genre précédemment cité, qui dénonce dans un univers dystopique les dérives de nos sociétés actuelles. Et l’écriture addictive de Gaudé...
La nature est ici déréglée. Les pluies sont acides, jaunes, huileuses, et les « déluges de glace » ; « des ciels radieux » se changent en chaos en l’espace de quelques minutes. Magnapole est divisée en trois zones. Les deux premières sont protégées par un dôme climatique ; la dernière est celle des indigents.
Quelque trente ans auparavant, lors de la privatisation des nations, GoldTex (alors en concurrence avec MolochFirst) a racheté la Grèce - puis ensuite d’autres pays - alors en faillite. La révolte du peuple a été violente, mais inutile. Les populations ont été réparties dans ces trois zones en fonction de leur appartenance, de leur statut social. Il y a des check-point qu’il faut passer pour circuler librement d’une zone à l’autre.
Il est toutefois possible aux habitants de zone 3 d’accéder définitivement aux zones privilégiées, où tout n'est que luxe et confort. Un « ticket Destiny » permet la pose d’implants « Eternytox ». Cette « technologie de pointe », développée par GoldTex, change radicalement la vie de celui ou celle dont le nom sort à la loterie.
« Bon chien ! »
Zem Sparak était en Grèce. Il a pris part à l’insurrection. Activement. En vain. Il a quitté son pays en sachant qu’il ne le reverrait jamais plus (sinon dans des rêves chimiques). Il est désormais « cilarié » de GoldTex.
Sparak est un « chien », un flic déclassé de zone 3. Sur la « Steppe », un immense terrain vague où, curieusement, rien jamais n’a été construit et « s’étend avec tristesse sous l’ancienne voie rapide », Sparak se rend sur les lieux d’un crime : un homme gît ostensiblement là, « ouvert comme un poisson » ; ses implants Eternytox ont été prélevés.
Dès lors, Sparak est « verrouillé » à Salia Malberg, une enquêtrice de zone 2 . Il est supposé être à ses ordres, chercher - et rapporter - pour elle...
...comme un bon chien.
SF au noir
Un roman de science-fiction noir comme le genre du même nom, qui dénonce dans un univers dystopique, les dérives de nos société actuelles. Quelques pages seulement suffisent, sans que nous soyons clairvoyants, à appréhender l’essence du récit : ça commence mal, et cet état de fait ira crescendo. Leur investigation amène Malberg et Sparak à frayer avec les hautes sphères du pouvoir, comme l’on nage en eaux troubles en compagnie de requins. Le vertige de leur impuissance les écrase et leur donne, parallèlement, la rage nécessaire pour continuer. Quel que soit le prix à payer...
Et l’écriture de Gaudé, absolument sensible et addictive !
Fred.