HHhH
Roman. Pour ado/adulte
HHhH de Laurent Binet. Éditions Grasset, 2009. 440 p.
« Le petit Heydrich, bien mignon, bien blond, bon élève, appliqué, aimé de ses parents, violoniste, pianiste, petit chimiste, possède une voix de crécelle qui lui vaut un surnom, le premier d’une longue liste : à l’école, on l’appelle " la chèvre " ». Difficile de concevoir qu’il sera, des années plus tard, surnommé « le bourreau de Prague», « la bête blonde », puis considéré comme « l’homme le plus dangereux du IIIème Reich »...
Terezin (un ghetto de façade destiné à donner une bonne image de l’Allemagne d’Hitler lors des visites de la Croix-Rouge, et dans lequel les Juifs exposés là « ne se faisaient pas d’illusions : ils vivaient dans l’antichambre de la mort »), Auschwitz, Sobibor, Buchenwald, Treblinka, Belzec, Nazi, SS, Kripo, Gestapo, Wehrmacht...tous ces noms qui font bien flipper en même temps qu’ils donnent envie de vomir, combinant au paroxysme trouille inspirée et nausée provoquée. Dans cette foire aux monstres, Heydrich seul a le véritable profil aryen (sic), pas nécessairement beau, mais grand, mince et blond (avec tout de même un rien de sang juif dans les veines !). Physiquement, les autres sont une funeste plaisanterie et sont pour beaucoup d’une inculture crasse. Ces dégénérés grotesques, qu’on pourrait croire sans mal issus de mariages consanguins, sont tous tordus, boiteux, nabots, bigleux. Ils s’inscrivent au mieux dans le commun, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement laids. Sans appel ! Ces ahuris prônaient « la supériorité de l’essence aryenne » sans présenter sur eux le moindre échantillon, même en les mélangeant tous pour n’en faire qu’un ! Pour mémoire, googolisez les tronches de Himmler, avec ses joues rondes de hamster-nain à lunettes, de Goebbels, avec son pied bot, sa carrure de fil-de-fer et sa stature de pantin désarticulé, de Röhn, qui présentait de visu toutes les caractéristiques du porc, eu-égard pour l’animal, le vrai ; sans parler du moustachu en chef et du cocktail d’amphétamines que lui administrait quotidiennement son médecin (c’est bon pour les nerfs ; ceci expliquant en partie cela quant à sa propension à garder calme et modération dans ses propos et dans ses actes). Race supérieure, donc...
« Himmlers Hirn heifst Heydrich »*
En 1942, Londres parachute sur Prague deux volontaires (un Tchèque et un Slovaque) pour assassiner Heydrich, « chef de la Gestapo, chef des services secrets nazis, planificateur de la solution finale » (merci Reinhard !). Le choix s’est porté sur lui parce qu’il est considéré comme étant « l’homme le plus dangereux du IIIème Reich ».
Opération « Anthropoïde ».
L’attentat a lieu dans la (fin de) matinée du 27 mai. Pour en arriver à cet instant là, Laurent Binet développe et décortique tout ce que ses lectures / visionnages / témoignages, ont pu lui apprendre sur le sujet (en plus de son amour inconditionnel pour Prague). Le travail de recherches est impressionnant ; celui de l’écriture pas moins. Ses considérations personnelles, ses impressions et le doute quasi permanent qui l’étreint tout du long de la rédaction de son manuscrit (doute imputé à son inquiétude de romancer trop les faits et gestes de personnages réels et non de fiction), imposent un respect exponentiel (diable ! les tripes qu’il faut avoir !), accentuent l’empathie que l’on ressent, la compassion que l’on éprouve pour Jozef Gabcik et Jan Kubis d’abord, puis les résistant(e)s en général, et les victimes, d’où qu’elles soient ; ce récit leur rend hommage. Par effet miroir, le dégoût des oppresseurs s’en trouve décuplé ! (ok, le terrain était déjà plutôt favorable !).
La scène de l’attentat en lui-même est décrite comme s’il s’agissait là de LA scène d’action de l’histoire (j’ai failli écrire du film) : explosion, course-poursuite dans les rues et balles qui sifflent. Mais ne nous y trompons pas, nous ne sommes pas à Hollywood : « Tous les personnages de ce livre ont existé ou existent encore. Tous les faits relatés sont authentiques »...
Un très grand roman de « fiction romanesque à la vérité historique », servi par une construction maîtrisée, une écriture puissante et ô combien sensible...la classe, quoi !
* Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich.
Fred.