Moi, ce que j'aime, c'est les monstres
Entièrement dessiné au stylo bille, ce roman graphique est une oeuvre exigeante et novatrice. C'est aussi un défi pour l'auteure Emil Ferris qui a du reconquérir l'usage de ses mains, paralysées par une maladie tropicale.
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, Emil Ferris, Monsieur Toussaint Louverture, 2018.
Piquée par un moustique en 2001, Emil Ferris développe une maladie rare et particulièrement incapacitante : le virus du Nil occidental. Très pessimistes, les médecins lui prédisent une future paralysie des jambes et des mains. Elle ne pourra plus jamais tenir un stylo.
Mais la dessinatrice possède une volonté farouche. Après 6 ans d'effort, qui tiennent du chemin de croix, l'auteure américaine parvient de nouveau à écrire et surtout à dessiner. Ce roman graphique est le résultat de ce travail acharné. En quête de publication, elle essuie tout de même 48 refus d'éditeurs. Le 49ème aura pourtant le nez creux ; aujourd'hui, cette bande dessinée est un best seller.
Le souci du trombone
Alors, bienvenue dans l'univers tourmenté et angoissé de Karen Reyes ! Cette fillette de 10 ans vit à Chicago dans les années 60, dans un quartier qui accueille tous les parias, les marginaux, les sans grades et les syndicalistes. Elle habite avec sa mère, et son frère Deeze dans un appartement au sous-sol. Suite au meurtre de la voisine du dessus, elle décide de mener l'enquête et pour ce faire, enfile un trench trop grand pour elle.
Le monde de Karen est peuplé de chauve souris, de dragons, de tatouages, de monstres, de loup-garous et de cancrelats : un monde de peur et de tourmente à la Kafka. Un monde où les monstres existent et où lors d'une visite au musée, on peut entrer physiquement dans un tableau. Karen se voit elle-même comme un monstre. Elle est d'ailleurs représentée avec des crocs de loup-garou et la forme ronde de son visage ressemble furieusement aux créatures de Maurice Sendak. Cet univers très particulier rappelle également le Tim Burton des débuts.
Graphiquement, l'ouvrage se présente comme le journal intime d'une enfant particulièrement imaginative. Pour rendre compte de ce fourmillement, deux outils : le stylo et un soin maniaque du détail réaliste : lignes encrées du cahier, notes écrites dans les marges et même les trombones qui relient des notes et des pièces à conviction glanées au cours de l'enquête. Les portraits, d'une minutie incroyable, sont quasi photographiques, en noir ou en couleur, toujours tracés au bic.
800 pages, 2 tomes à suivre
Lire Moi, ce que j'aime, c'est les monstres demande un minimum de disponibilité. C'est un ouvrage très copieux (plus de 800 pages !) qu'il faut, à mon sens, picorer pour l'apprécier à sa juste valeur. Car l'auteure s'est affranchie de toutes les règles et de tous les codes habituels. Il est possible que ce roman graphique déconcerte certains tant le dessin et la narration ne suivent aucune hiérarchie. Aussi faut-il mobiliser ses neurones pour entrer (ne serait-ce que par la petite porte) dans cette oeuvre exigeante. Bref, cette bande dessinée se mérite.
Mais le jeu en vaut la chandelle. Emil Ferris nous livre sans aucune retenue son univers à la fois foisonnant, un peu effrayant et incroyablement novateur. Ici, nulle barrière, nul filtre qui pourrait parasiter une histoire dessinée à hauteur d'enfant. Bouleversant de franchise et d'imagination, ce chef d'oeuvre composé au stylo bille fera date. Il a reçu le prestigieux Eisner Award en 2018. A savourer bien installé donc, en attendant les deux tomes à suivre...
Julie
Piquée par un moustique en 2001, Emil Ferris développe une maladie rare et particulièrement incapacitante : le virus du Nil occidental. Très pessimistes, les médecins lui prédisent une future paralysie des jambes et des mains. Elle ne pourra plus jamais tenir un stylo.
Mais la dessinatrice possède une volonté farouche. Après 6 ans d'effort, qui tiennent du chemin de croix, l'auteure américaine parvient de nouveau à écrire et surtout à dessiner. Ce roman graphique est le résultat de ce travail acharné. En quête de publication, elle essuie tout de même 48 refus d'éditeurs. Le 49ème aura pourtant le nez creux ; aujourd'hui, cette bande dessinée est un best seller.
Le souci du trombone
Alors, bienvenue dans l'univers tourmenté et angoissé de Karen Reyes ! Cette fillette de 10 ans vit à Chicago dans les années 60, dans un quartier qui accueille tous les parias, les marginaux, les sans grades et les syndicalistes. Elle habite avec sa mère, et son frère Deeze dans un appartement au sous-sol. Suite au meurtre de la voisine du dessus, elle décide de mener l'enquête et pour ce faire, enfile un trench trop grand pour elle.
Le monde de Karen est peuplé de chauve souris, de dragons, de tatouages, de monstres, de loup-garous et de cancrelats : un monde de peur et de tourmente à la Kafka. Un monde où les monstres existent et où lors d'une visite au musée, on peut entrer physiquement dans un tableau. Karen se voit elle-même comme un monstre. Elle est d'ailleurs représentée avec des crocs de loup-garou et la forme ronde de son visage ressemble furieusement aux créatures de Maurice Sendak. Cet univers très particulier rappelle également le Tim Burton des débuts.
Graphiquement, l'ouvrage se présente comme le journal intime d'une enfant particulièrement imaginative. Pour rendre compte de ce fourmillement, deux outils : le stylo et un soin maniaque du détail réaliste : lignes encrées du cahier, notes écrites dans les marges et même les trombones qui relient des notes et des pièces à conviction glanées au cours de l'enquête. Les portraits, d'une minutie incroyable, sont quasi photographiques, en noir ou en couleur, toujours tracés au bic.
800 pages, 2 tomes à suivre
Lire Moi, ce que j'aime, c'est les monstres demande un minimum de disponibilité. C'est un ouvrage très copieux (plus de 800 pages !) qu'il faut, à mon sens, picorer pour l'apprécier à sa juste valeur. Car l'auteure s'est affranchie de toutes les règles et de tous les codes habituels. Il est possible que ce roman graphique déconcerte certains tant le dessin et la narration ne suivent aucune hiérarchie. Aussi faut-il mobiliser ses neurones pour entrer (ne serait-ce que par la petite porte) dans cette oeuvre exigeante. Bref, cette bande dessinée se mérite.
Mais le jeu en vaut la chandelle. Emil Ferris nous livre sans aucune retenue son univers à la fois foisonnant, un peu effrayant et incroyablement novateur. Ici, nulle barrière, nul filtre qui pourrait parasiter une histoire dessinée à hauteur d'enfant. Bouleversant de franchise et d'imagination, ce chef d'oeuvre composé au stylo bille fera date. Il a reçu le prestigieux Eisner Award en 2018. A savourer bien installé donc, en attendant les deux tomes à suivre...
Julie