La servante écarlate
La servante écalate, Margaret Atwood, R. Laffont, 2017.
Somme toute, c'était assez prévisible. Face à l'Amérique hystérique et réactionnaire de Donald Trump, La Servante écarlate a retrouvé une actualité et une justesse dérangeante. Paru en 1985 aux Etats-Unis, le chef d'oeuvre dystopique de Margaret Atwood occupe à nouveau les palmarès des meilleures ventes de livres dans le monde. Quant à la série adaptée avec Elisabeth Moss dans le rôle principal, c'est un authentique carton critique et populaire.
Pourtant, le monde décrit par Atwood est atroce. Dans
ce futur proche,
les femmes n'ont plus de compte en banque, sont privées de
prénom et portent un uniforme de caste : longue cape rouge et
cornette blanche en guise d'oeillère. Et comme le taux de natalité
est très bas - la pollution et les déchets toxiques ont fait
des ravages -, le nouveau pouvoir fanatiquement religieux
contraint les rares femmes fertiles à porter les enfants de la
classe dirigeante, les Commandants.
Bunker mental
Defred fait partie de ces servantes. Celle qui fut une femme libre
doit désormais mobiliser toutes ses ressources mentales pour
survivre. Car Defred n'est plus qu'un utérus dénué du moindre
atome de liberté. Autour d'elle, la surveillance est totale,
permanente, inquisitoriale. Aussi s'est-elle ménagée un espace
intérieur bunkerisé, débarrassé autant que faire ce peut de toutes
émotions qui risqueraient de la faire basculer dans la folie ou la
révolte suicidaire. Opprimée à l'extrême, la servante écarlate
devient experte dans la lecture de ces micros-événements qui font
sens : un inflexion de voix chez ses bourreaux, un
tressaillement, un graffiti...
On pense bien sûr au 1984 d'Orwell pour l'atmosphère
toxique et étouffante qui nous est infligée. Mais si La Servante
écarlate est bien une dystopie féministe, c'est également une
charge subtile contre les hiérarchies mortifères et les lâchetés
de tous. Car de proche en proche, on découvre que ce cauchemar s'est
installé presque banalement, conséquence mécanique de tumeurs
sociales non traitées. Mais est-il une seule société qui jouisse
d'une santé éclatante ? Une seule qui ne puisse pas déraper
vers ce révoltant futur ?
Eric