Chiens
Il y a toujours une première question, et celle-ci est tellement antique qu'on a même oublié qu'elle était primordiale. Pourquoi méprise-t-on autant la créature qui nous aime le plus ? Le chien. Le chien qui pue qui mord et souvent il est moche. Oui, mais le chien ami, plein de joie et d'empathie. Qu'est ce que cela dit de nous lorsqu'on chasse un clebs ou qu'on cajole un toutou ?
Les premiers à s'être
penché sur le problème sont les Grecs, nous dit Mark Alizart dans
son petit recueil édité aux PUF et sobrement nommé « Chiens ».
C'est un exercice de philosophie « one-shot », sûrement
incomplet si l'on s'attend à un match « chiens sympas vs
lol-cats ». On en saura peu sur les prémisses de cette
incroyable association, la première entre l'humain et une autre
espèce. Les plus vieilles traces de cohabitation domestique date de
plus de 30,000 ans, le temps nécessaire pour produire un ignoble
machin jappant ou la figure de Rintintin.
Bon à penser
Pour Mark Alizart, le cas
du chien relève d'autre chose. A la manière d'un Claude
Lévi-Strauss, il constate l'ambiguïté fondamentale du chien dans
les mythes humains. Méprisé, mais figure du passage entre la vie et
la mort (Anubis, Cerbère...), le chien est le seul animal dont on
humanise le calcul de vie. Youki est mort à 13 ans ? Bah, 13 x
7 : il avait 91 ans, un bel âge...
L'auteur creuse. Tout le
monde sait que derrière le chien, il y a le loup. Mais peu sont ceux
qui tolère le primate en nous. Le chien, qui est venu à l'Homme, a
pu lui servir d'appui dans ses ambitions de domination mondiale. Pour
se protéger, chasser et surtout se penser comme une perfection
plutôt que comme un animal parmi d'autres. De notre point de vue, le chien est le
plus proche lien tangible entre la nature et la culture. Un passeur,
là encore. En plus de toutes les tâches qu'on lui a confié, le
chien est également bon à penser.
Vilain petit secret
« Chiens » ne
permettra pas aux phobiques d'évoluer. « Chiens » est
destiné aux amis des chiens, et surtout aux amis de la philosophie
et de l'anthropologie culturelle. Des grands mots ? Pas tant que
ça. Tout le monde sait qu'on ne mange pas son voisin et qu'on ne
couche pas avec sa famille. Les chiens s'en fiche eux, ce sont des
animaux.
Oui, mais des animaux qui connaissent nos règles sur le
bout des pattes, et surtout notre vilain petit secret : sans les
chiens, pas d'humanité telle qu'on la connaît. Dès lors, on ne s'étonne
pas qu'aucun Etat au monde ne les aient jamais adopté comme symbole
national. Dans toutes les langues, le nom de ce quadrupède est une
insulte et/ou l'image même de la pire déchéance. Pourtant, dans une même unanimité contradictoire, on lui accorde le statut de meilleur ami...
Quant à ma chienne,
c'est une crème et j'ai pour elle le plus grand respect.
Eric