Un tourbillon de la vie
Que l'on soit mère, fille, enfant, adolescente ou grand mère on se reconnaîtra forcément à un moment ou à un autre à la lecture du récit d'Anne Laure Bondoux. L'aube sera grandiose : un roman magistral.
Titania et sa fille quittent Paris toutes les deux, à bord d'une voiture sans âge. Les premières lignes nous plongent d'emblée dans l'intimité et dans le huis clos du véhicule. L'ambiance est tendue ; Nine, jeune adolescente, voulait à tout prix assister à une fête de lycée ; mais sa mère en a décidé autrement.
« La fille, c'est Nine, seize ans la semaine prochaine, cinq cent kilomètres de silence au compteur. A travers la vitre, elle observe la nuit et la laideur inquiétante de ce paysage de broussailles, regrettant de ne pas avoir eu le culot de sauter en marche avant la bretelle du périph. Car à l'heure qu'il est, si sa mère ne l'avait pas kidnappée, elle serait chez elle, à Paris, en train de se préparer pour la fête du lycée. »
Titiana est la reine du roman policier, autant dire qu'elle sait raconter les histoires. Dans le cas présent elle s'apprête à exposer l'histoire familiale à sa fille mais pour cela elle décide de l'emmener à la campagne, dans une cabane inconfortable mais chaleureuse. La cabane (véritable lieu symbole du roman) est bordée par un lac ; elle est invisible de la route ; cachée de tous. Des secrets familiaux vont y être révélés durant toute la nuit et l'aube apparaîtra.
Des femmes puissantes
Titania va tout dire, tout raconter : sa vie, sa famille, ses amours, sa décision de devenir mère, sa relation très forte avec sa mère Rose-Aimée et son enfance. Elle raconte avec humour (clins d'oeil aux années 80), délicatesse, tristesse, colère.
Parfois, Nine coupe la parole de sa mère avec des questions mais Titiana sait ménager le suspense et mettre en attente son récit pour sa fille et partant, pour le lecteur. Sa mère débute par son enfance et elle dresse le récit de sa propre mère.
L'histoire de sa mère, le récit de sa grand-mère et les questions de Nine, tout est entrelacé, représentant malgré le silence, les liens indéfectibles et enracinés entre une mère et sa fille.
C'est ce faisceau d'histoires et de récits qui constitue la force de ce roman.
Ce roman c'est aussi le récit de femmes fortes, déterminées. Elles prennent des décisions qui changent le cours de leurs vies et celles de leurs enfants. Pour moi désormais elles font partie des grands personnages féminins avec leurs doutes, leurs fragilités, leurs faiblesses et leurs forces immuables malgré les difficultés qu'elles traversent.
« ...on s'est réchauffé »
Je n'ai qu'un mot :MA-GIS-TRAL,
une merveille à lire absolument que l'on soit ado, ou adulte
d'ailleurs. Il fait partie de ces rares livres qu'on dévore. En refermant ce livre les paroles du
Tourbillon de la vie me sont revenues :
On s'est connu, on s'est reconnu,
On
s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vue
On s'est retrouvé, on
s'est réchauffé,
Puis on s'est séparé.
Le lac est le lieu de résurrection ou de
renaissance, symbole peut être du milieu utérin ou Nine plonge à la
fin comme pour y renaître après toutes ces révélations sur sa
famille et donc sur elle même.
Et
l'aube apparaîtra a obtenu le 1er prix Vendredi (prix issu
du SNE jeunesse, dirigé par Thierry Magnier). Espérons que les
prochains soient aussi beaux.
Julie Lopez